inariDes bourses faites d’une fine peau de tofu frit, mitonnées dans un bouillon sucré-salé assaisonné de sauce de soja, de sucre et de saké doux 味醂 mirin avant d’être fourrées de riz à sushi — tel est le 稲荷寿司inari-zushi, un en-cas bon marché que les gens ordinaires surnomment affectueusement お稲荷さんO-Inari-san.

Inari, c’est le tofu frit油揚げ (abura-age) finement tranché. C’est aussi le nom des sanctuaires Inari, où le renard tient une place centrale. L’origine de ce nom est ine nari (grains de riz poussant sur l’épi) car, dans l’ancien temps, ces sanctuaires servaient à la vénération d’Inari, déité protectrice de l’agriculture. Au fil du temps, les sanctuaires ont davantage tourné leur attention vers le serviteur divin, qui se trouvait être un renard. L’on pré- tend que les renards ont une faiblesse particulière pour le tofu frit et c’est pourquoi on en vint à donner aux peaux de tofu frit, rousses comme des renards, le doux nom d’inari .

Dans la région du関東 Kanto (le Japon de l’Est), kansaikantoles bourses de tofu frit sont généralement carrées, tandis que dans le 関西Kansai (Japon de l’Ouest), elles sont triangulaires. L’on agrémente parfois le riz à sushi de la garniture de menus morceaux de racine de lotus, de carotte, voire de gingembre au vinaigre de prune 梅ume.

umeboshiInari-zushi connut un important essort à 江戸 Edo (le Tokyo d’aujourd’hui) vers le milieu du XIXe siècle, et maints marchands ambulants proposant ce genre d’en-cas furent bientôt à même de monter des établissements respectables à la manière de celui présenté sur cette page. Cette boutique qui remonte à l’an 1877 est stratégiquement placée non loin des théâtres traditionnels au coeur du quartier de Ningyocho à Tokyo. Les spectateurs avaient, et ont toujours, coutume de déguster un repas froid —pourquoi pas du inari-zushi —durant les entractes.

Inari-zushi est en fait assez délicat à fabriquer, car la peau de tofu frit se déchire facilement. La boutique emploie en outre des peaux encore plus fines que celles que l’on trouve communément sur le marché. En effet, plus la peau est fine, moins elle absorbe le bouillon de cuisson, ce qui évite de détremper le riz.

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Les bourses de tofu frit sont tout d’abord mises à tremperune dizaine de minutes dans de l’eau à 50º C pour les dégraisser. Ensuite, pour leur donner du goût, on les fait mitonner deux ou trois minutes, pas plus, dans un bouillon contenant trois types de sucre, de la sauce de soja et du mirin. Elles reposent alors à température ambiante une journée, puis trois jours au réfrigérateur. Tout ce temps est nécessaire pour qu’elles absorbent le maximum de saveur.

Ce temps écoulé, on les fait mitonner à nouveau, puis on les fourre de riz assaisonné de vinaigre, de sel et de sucre. Les chefs les plus experts ouvrent l’extrémité de la bourse d’une main et, de l’autre, forment une boule régulière de riz parfumé dont ils la garnissent délicatement. Une bourse garnie pèse dans les 50 grammes.

La boutique vend évidemment sa plus grosse quantité d’inari-zushi les jours de festival du sanctuaire Inari. De nos jours, nombreux sont les petits sanctuaires dédiés à Inari placés sur le toit des immeubles et, les jours de festival, on peut voir des offrandes d’inari-zushi placées à l’intérieur.

rirakkumaIl est fort possible que l’affection des Japonais pour leur O-Inari-san manifeste, encore de nos jours, le souhait d’une bonne récolte enfoui dans leur coeur d’ancien paysans.